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Un sociologue dans la ville

29 mars 2017

Violence autour des stades au Maroc: "Il faut arrêter d'imputer la responsabilité aux ultras" (ENTRETIEN)

FOOTBALL - Au Maroc, les actes de vandalisme autour des stades de football refont surface. Dimanche, des affrontements entre supporters en marge du match qui a opposé l'Union de Sidi Kacem (USK) au Moghreb de Fès (MAS), évoluant en deuxième division, ont fait 10 blessés, dont 4 membres des forces de l'ordre, selon les autorités. Deux jours plus tôt, le bilan était plus lourd à Al Hoceima, où des incidents survenus avant et après le match disputé, en Botola Pro, contre le Wydad de Casablanca (WAC) ont fait 69 blessés dont 15 policiers.

La riposte du ministère de l'Intérieur n'a pas tardé. Le département de Mohamed Hassad a annoncé qu'il allait poursuivre "tous les membres" des ultras au Maroc, "des entités illégales qui ont déjà fait l'objet d'interdictions". De leur côté, les groupes d'ultras concernés rejettent toute responsabilité dans les actes de violences de ce week-end et assurent avoir tout fait pour éviter de tels incidents.

Pour comprendre ce regain de violence autour des stades marocains, nous avons interrogé Abderrahim Bourkia, journaliste, sociologue, membre du Centre marocain des sciences sociales (CM2S) et chercheur associé au Laboratoire méditerranéen de sociologie (LAMES), qui a consacré plusieurs enquêtes à ce sujet.

HuffPost Maroc: Comment expliquer la montée de la violence de cette fin de semaine chez certains supporters?

Abderrahim Bourkia: Nous sommes en pleine anomie sociale. Ce terme caractérise les périodes de développement économique génératrices de désorganisation et de démoralisation, ainsi que l’apparition de conduites déviantes. Les grilles de lecture des derniers actes de violence collective qui gravitent autour des stades sont diverses, dans la mesure où les acteurs et les circonstances ne sont pas les mêmes. Il y a lieu de parler ici de manipulation et de provocation de la part de certains qui cherchent à jouer sur la carte du régionalisme et à "surfer" sur les demandes sociales à des fins politiques.

L’ambiance est généralement électrique entre les groupes de supporters. Chaque groupe, dans sa quête pour être vu et reconnu, est en compétition avec les rivaux: il cherche à afficher sa supériorité, sa domination symbolique et physique. C’est le "nous" contre "eux". Les règlements de comptes sont courants dans l’univers des supporters, décrits comme l'aboutissement d’un processus d'acculturation antagoniste.

Pour quelles raisons selon vous?

Pour certains supporters, s'inscrire dans un groupe ultra, c’est user de la violence contre les autres groupes. C’est insignifiant pour eux, et abominable et condamnable par l'opinion publique. Si ces comportements sont qualifiés de déviants, l’observation nous a montré que l’usage dont en font certains supporters est structuré par des codes propres. Sans vouloir généraliser à tous les groupes ultras, ces activités, déviantes pour la société et non respectueuses des valeurs de la vie commune, font partie du monde des ultras, génèrent majoritairement une stigmatisation des supporters et de leurs codes. Il y a une variabilité de perception selon que l’on se place dans ("in") ou hors ("out") des groupes. On peut trouver toutefois des formes d’entente entre certains groupes ultras plus solidaires, notamment entre eux contre d’autres.

La fédération est synonyme de pouvoir et de clientélisme pour les ultras

Nous pouvons observer par ailleurs des degrés de maturité différents selon les groupes, et de fait des différences de comportement: les ultras fustigent souvent les décisions de la fédération à l’égard de leurs équipes quand ils les jugent hostiles aux leurs et favorables aux autres. La fédération est synonyme de pouvoir et de clientélisme pour les ultras. Quant aux forces de l’ordre, ils sont l’incarnation de la domination des appareils étatiques sur les citoyens. Et souvent, les supporters disent que les problèmes sont générés par les éléments des forces de l’ordre et des agents de sécurité.

Dans un communiqué diffusé dimanche, l'Intérieur explique ces actes de vandalisme avec le retour "concomitant de certains groupes ultras aux stades". Partagez-vous cette lecture de la situation?

Non, pas du tout. Il serait incongru de lier le retour des groupes de supporters et les actes de violence. Cela porte préjudice aux ultras et les diabolise davantage. D’autres groupes de supporters et des ultras sont retournés aux stades sans incidents. Donc non, nous ne pouvons pas condamner tous les groupes.

À votre avis, les ultras ont-ils quand même leur part de responsabilité dans ces incidents en particulier?

Les ultras et les supporters ont mauvaise presse, tant dans leurs scènes d’euphorie démesurées que dans les actes de violence constatés, mais il serait hâtif de dire que les ultras sont les seuls et uniques responsables des actes de violence qui gravitent autour du football au Maroc. Car dire que les ultras sont responsables de cette violence sanctionne tout le mouvement du "supportérisme".

En effet, la quasi-totalité des groupes ultras et des supporters ne se reconnaissent pas dans la violence et la condamnent. La question que l’on doit se poser est la suivante: les acteurs impliqués sont-ils des supporters, des "délinquants" ou bien les deux? La violence entre supporters doit être considérée comme la conséquence directe d’un processus d’interactions entre les protagonistes. D’où l’utilité d’une analyse globale afin de ne pas pointer du doigt tout le groupe/le mouvement du "supportérisme", alors qu’il s’agit en fait que de quelques éléments qui s’adonnent à ces actes de violence.

Ceux qui composent un groupe potentiellement violent ne constituent pas forcément un groupe de supporters homogène

Le stade n’amène pas que des supporters et on ne peut pas qualifier de supporter toute personne portant une écharpe ou un maillot de telle ou telle équipe. Le stade amène à la fois le supporter ultra, le supporter aisé qui s’installe dans les tribunes, et l’affairiste ou "zeram", le voleur qui cherche la "haouta" (ndlr, la bonne affaire)... Ceux qui composent un groupe potentiellement violent ne constituent pas forcément un groupe de supporters homogène. Cependant, le fait de se retrouver en groupe procure assurance et réconfort à ses membres.

L’Intérieur a aussi décidé d’engager dorénavant "des poursuites judiciaires à l’encontre de toute personne s’activant au sein de ces entités illégales qui ont déjà fait l’objet de décisions d’interdiction". Cette démarche vous semble-t-elle pertinente pour décourager les actes de violence dans les stades ?

Les médias et les pouvoirs publics ont déjà évoqué auparavant la "dissolution des ultras" et je le précise encore: nous ne pouvons pas parler de dissolution, tout simplement parce que les ultras n’ont pas de forme juridique! Il vaut mieux parler d’interdiction d’activités, c’est plus approprié. C’est le ministère de l’Intérieur qui a pris la décision d’interdire l’organisation des activités suite au décès de deux jeunes supporters du Raja de Casablanca. 

Je suis pour les poursuites judiciaires, mais il ne faut pas que l’appartenance à un groupe ultra devienne le chef d’accusation. Ce serait véritablement insensé et préjudiciable et on aura des innocents derrière les barreaux. C’est malheureusement le cas de certains membres ultras que j’ai rencontrés durant mes enquêtes. Les normes de l’univers ultras sont perçues comme déviantes par rapport aux normes sociales classiques. Il peut y avoir des passages à l’acte rapides, le vol et le racket sont monnaie courante. Mais c’est le cas d’une minorité qui cherche à semer la pagaille et s’adonner au vol. Les peines privatives de liberté devraient être appliquées avec mesure, il ne faut pas distribuer des sanctions à tour de bras et n’importe comment. Et je ne suis pas tout-à-fait pour des sanctions sévères surtout quand il s’agit de mineurs.

L’idéal serait de les accompagner dans la prise de conscience. Ne prenons pas le risque de les désocialiser davantage et de les couper de ce qui les cadre encore: famille, collège et vie sociale… car le législateur les condamne à jamais. Notons au passage que les prisons fabriquent de la délinquance. Et nous aurons des individus plus déstructurés et plus dangereux pour eux et pour la société.

Quelle serait la meilleure démarche à entreprendre, selon vous, pour mettre définitivement un terme à la violence qui entoure souvent les matchs de football au Maroc ?

Premièrement, il faut ne plus se voiler la face et arrêter d’imputer la responsabilité aux ultras. La violence qui gravite autour des stades est liée davantage aux contextes socioéconomiques du pays. Ces actes révèlent une partie des maux qui rongent notre société. C’est le corps social qui produit et nourrit cette violence. Certains individus profitent, comme je l’ai déjà dit, de l’anonymat et s’adonnent à des délits aux abords et dans les stades. Et on les croise partout: dans les déplacements entre supporters, dans les transports en commun, dans la rue, et pas uniquement dans l’arène.

Il y a toute une réflexion sociologique qui gravite autour de la frustration comme moteur de la violence

L’insatisfaction des attentes élémentaires, légitimes d’un groupe social est motrice de violence. Les jeunes sont en quête de visibilité; cela peut prendre un aspect festif ou violent selon la logique partisane des groupes des supporters et des autres motivations qui évoquent davantage l’idée que l’injustice économique n’est pas sans rapport avec certains débordements de violence. Il y a toute une réflexion sociologique qui gravite autour de la frustration comme moteur de la violence. La discrimination économique, entre autres, peut donner des explications aux actes de violence.

Le football au Maroc est devenu un lieu d’expression de l’errance socio-économique des jeunes exclus de la société et le "supportérisme" serait un moyen d'expression, de protestation et surtout le cadre d'une construction d'identité qui exprime chez les jeunes un désir de paraître, d'exister et d’être reconnu au sein d'une société dont ils se sentent en fait plutôt exclus. L'inscription au sein d'un groupe de supporters leur permettrait de s'approprier une identité propre, de construire un mode de vie, une appartenance, une identité collective face aux autres.

Certains peuvent voir ce mouvement social comme naïf, dépolitisé. Alors que les chants, les banderoles et les "tifos" affichent des messages sociaux clairs liés au chômage, à la pauvreté, à l'exclusion, au mépris, à l’incompréhension… Le processus ou la solution sécuritaire ou politique ne fait que gagner du temps à court terme sans s’attaquer aux origines du fléau, et manque terriblement de moyens techniques et humains.

On ne peut s’en sortir qu’avec une combinaison socioéconomique à moyen et à long terme. On ne peut s’attaquer à la violence urbaine (dans les stades ou autres) que d’une manière rationnelle, travailler d’abord pour une justice sociale, un accès large à l’éducation, aux activités sportives et à la culture. C’est un projet pour construire une société solide et un investissement gagnant/gagnant pour notre jeunesse et notre pays.

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10 août 2016

Menace terroriste, une formule non contrôlée médiatiquement

N’en déplaisent à certains, j’aimerais parler de la couverture médiatique des attentats et des pulsions autodestructrices des auteurs –criminels-. Mais tout d’abord, je préfère faire ce préambule historique. Depuis des décennies, les relations internationales sont rythmées par le terrorisme. La fin de la guerre froide et l’effondrement du bloc « est » a entraîné le monde dans un chaos. Le terrorisme utilisé avant comme un outil politique et de diplomatie coercitive. Et les organisations terroristes étaient des instruments dans la main des Etats. La fin du système bipolaire a accéléré la prolifération des nouvelles entités politico-criminelles sans allégeance claire. Désidéologisé ou non, ces nouveaux acteurs transnationaux des relations internationales mènent des guerres et perpètrent des attentats qui sont devenues le quotidien des certains pays du monde –le monde arabe en particulier-

 

Mais bien avant de donner mon point de vue sur les actes terroristes, ses commanditaires et sa banalisation. J’aimerai bien envoyer tout d’abord un message de détresse aux médias en France et à l’opinion publique en Hexagone, aux Etats-Unis et ailleurs sous forme d’interview fictive donnée à un journaliste d’un canard bien célèbre, disons qu’il s’appelle « the Spectacle » car souvent, ces actes barbares sont essentialisés à des fins très politiques et médiatiques bien sûr et deviennent des scènes morbides suivies par des millions de personnes. Donc, sans tarder je vous propose quelques extraits :

 

Face au terrorisme doit-on vivre dans la psychose ou surmonter cet état de fait ?

Le fait que vous posiez la question de cette façon laisse dire qu’il y a seulement deux alternatives. Même si je n’en vois qu’une... Il n’y a pas une d’issue que de continuer à vivre, de gérer plus au moins sa vie et d’aller de l’avant. Vivre dans la psychose serait naïf, très handicapant et contraire à la nature humaine car les objectifs de cette violence liée au terrorisme demeurent complexes à « labéliser » faute de message clair.

Comment ne pas céder à la psychose ?

Certes la peur est contagieuse. Mais il ne faut pas laisser les cœurs et les raisons s’émouvoir. S’angoisser et vivre avec le sentiment d’insécurité n’est pas la solution. 

A mon avis, tout d’abord, il est souhaitable de ne pas entretenir la peur à la télé, via internet et les journaux. Ce qui est particulièrement difficile avec l’avènement de la société de l’image et du spectacle. Dans une société d’interconnaissance où les infos et les images  tournent en boucle avec démesure, la psychose se nourrit et s’alimente.

C’est en grande partie l’opinion publique qui sert d’écho au terrorisme et aux actes de violence et participe à sa diffusion massive.

 

Comment arrêter de vivre normalement et éviter les endroits dits "sensibles" ?

J’entends parfaitement cette question. Mais je préfère la reformuler de la sorte : comment vivre normalement ? En vous écoutant on comprend qu’on ne peut pas vivre normalement et qu’il existe des endroits plus sensibles que d’autres. Alors que ce n’est pas vrai. Car si on accepte cette idée ou cette image, nous serons obligés de tout repenser, de tout suspecter. Nous ne serons en sécurité nulle part, même chez soi. J’ai déjà parlé de mon refus de toute tendance alarmiste. La peur suscitée chez les autres est la force du terrorisme. L’un des objectifs est de répandre la terreur et la peur partout, nous n’allons pas les aider à le faire !

Comment les enfants peuvent-ils percevoir ce phénomène ?

Il y a un travail énorme à faire auprès des enfants. Ils ont besoin d’explications qui les aident à comprendre ce qui se passe autour d’eux. Inutile de redire que les enfants doivent être à l’abri des images, c’est le postulat de base. Les enfants ressentent les sentiments des grands et subissent leurs réactions, du coup, il vaut mieux leur parler et discuter avec eux. Sans chercher à en faire trop, les apaiser et leur dire par exemple qu’ils n’ont rien à craindre chez eux, à la maison. Ils perçoivent mais ne peuvent discerner  les faits. Tout ce qu’ils reçoivent est de la seconde main.  Donc, c’est aux grands de faire preuve de force mentale, de lucidité et de protection à l’égard des petits.

Peut-on vraiment s'habituer à vivre avec cette menace permanente ?

Nous vivons en effet une période de crise à l’échelle mondiale et je n’irai pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’une menace permanente car, comme je le disais, je n’aime pas verser dans l’alarmisme. Car si on joue sur les peurs, on joue le jeu des terroristes. C’est vrai que la réalité terroriste est complexe.  Elle est travestie à la fois par l’actualité et par l’ordre mondial. Son objectif est de pointer l’inefficacité de l’action protectrice de l’Etat car en ciblant une population civile, les commanditaires visent souvent à faire pression sur un gouvernement ou à s’opposer à une décision politique ou à une idéologie.

La menace terroriste n’est pas réjouissante pour l’entretenir en boucle par les médias à moins que la recherche d’audience en parlant d’un sujet vendeur et anxiogène vaut plus que la tranquillité des contribuables et leur santé psychologique. Je vous prie de me croire cher-e-s lectrices et lecteurs et s’empresser d’éteindre vos télés et d’éviter de lire les journaux. Surtout que ce type de violence échappe à l’analyse. Et le terrorisme défie l’entendement et son spectacle morbide l’emporte sur l’effort d’analyse.

 

 

16 février 2016

Violence dans les stades : entre faire et défaire la règle

Il est intéressant aujourd’hui de s’interroger sur la pertinence de cette nouvelle initiative, notamment sur le rôle des clubs, des supporters et des chercheurs dans ce domaine. L’idée est d’aller au-delà de l’accumulation de textes législatifs et de s’interroger sur la mise en œuvre des dispositifs existants, qui se révèle être une priorité à ce jour.

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Les travaux relatifs à l’élaboration des quatorze mesures  font apparaître encore une vision déterministe et culturaliste du phénomène. Tout d’abord, la confusion y persiste encore dans la définition : de quoi parle-t-on exactement, de « supporterisme » ou du « hooliganisme » ? Ou des deux ?  Il s’agit pourtant de deux concepts différents.

Une définition s’impose sur ce qu’est  le supporterisme au sens large.

Le « hooliganisme » diffère largement du  « supporterisme », dans le sens où ce dernier est un moyen d'expression, de protestation, observé dans le cadre d'une construction d'identité qui exprime chez les jeunes un désir de paraître, d'exister et d’être reconnus au sein d'une société dont ils se sentent en fait plutôt exclus. L'inscription au sein d'un groupe de supporters leur permet de s'approprier une identité propre, de construire un mode de vie, une appartenance, une identité collective face aux autres (supporters d'autres clubs ou en réaction à la société elle-même avec ses institutions et ses pouvoirs publics).

C’est en substance le postulat de base en majeur. Puis en mineur, la partie émergente de l’iceberg et la plus médiatisée qui est la violence.

Est-ce la seule manière d’aborder un fait social total qui est le « supporterisme » par la violence qui gravite autour des stades ?

Et surtout,  peut-on raisonnablement s’en contenter et dire que tout supporter est auteur d’actes de violence ? Cette violence peut-elle vraiment être attribuée à un type d’individu en particulier ou à tel type de groupement de jeunes ?

Toutes ces mesures ont en commun d’amalgamer le supporter/spectateur des tribunes avec le « violent » et d’y voir une unité homogène, un centre –les noyaux des groupes- qui commande une périphérie-les supporters-. Pourtant, ce n’est pas le cas. On peut dès à présent parler d’une catégorie de personnes qui investissent le stade, animées par d’autres motivations qui échappent totalement aux réseaux de sociabilité préexistants au sein des groupes des supporters et des ultras.

 

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Le terrain  de recherche nous dit que  tous les jeunes supporters ne sont pas tous des belliqueux qui s’adonnent à des actes de violence.  Et que le stade n’amène pas non plus que des supporters.

Les supporters inquiètent, par leur nombre, mais tous ne menacent pas l’ordre public.

Seuls les plus militants « supporters ultras » peuvent user de la violence lorsque les interactions symboliques s’enchaînent et le processus d’incivilités et d’intimidations réciproques débouche sur des affrontements.

Si  l’on se réfère à mes travaux de recherche, trois types de supporters « potentiellement violents » empruntent le chemin vers le stade, voici un focus qui permet de comprendre en quoi la violence physique peut en résulter :

 

-         Le dysfonctionnement social général  peut conduire certains individus à s’adonner à des actes de violence et de dégradations dans les stades et dans la rue où il y a peu de contrôle policier ou lorsqu’il est inexistant. Ce type de violence cache des attentes légitimes non satisfaites, souvent sous une forme sporadique et non préméditée sans but explicitement prononcé.

-         La violence peut être considérée comme moyen et instrument en vue d’atteindre certains objectifs, c’est en quelque sorte le cas des affairistes « zerammas » qui profitent des rassemblements sportifs ou culturels pour s’adonner à des vols et des actes de rackets.

-         Et enfin, la violence attribuée aux supporters militants eux-mêmes, si on se place du coté des acteurs, individuellement ou collectivement ; ils peuvent  eux-mêmes nous donner le sens et l’explication des actes qui sont inhérents à l’univers et aux codes du supporterisme et des ultras.

 

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Il faut avant tout s’interroger sur ces différents types de supporters et détecter ceux qui s’adonnent à des actes de violence. Sont-ils supporters, ultras, désœuvrés ou délinquants qui profitent des rassemblements aux abords des stades pour se défouler ?  Nous ne pouvons pas trancher, non plus, et affirmer que ces forfaits sont produits seulement par des personnes qui prennent en otage le football et son spectacle. Et nous ne pouvons pas affirmer, non plus, que seuls les supporters de football sont impliqués dans ces actes de violence. La complexité réside dans le fait d’intercepter ces « fauteurs » de trouble avant qu’ils commettent leur forfait. D’où la nécessité de mettre des installations et des mesures de prévention en amont. Il est vrai que nous nous retrouvons devant des actes de violence qui gravitent autour des supporters et des groupes ultras et d’autres qui obéissent au déterminisme socio-économique mais le stade n’est qu’un lieu parmi d’autres. Les délinquants pourraient au fond agir ailleurs, sur un autre lieu de rassemblement et pas forcément aux abords d’un stade.

Il serait plus raisonnable de ne pas négliger les processus sociaux, les mobiles des individus afin d’isoler les facteurs de risque et ne pas se contenter de la politique du  « soupçon », de mettre tout le monde dans le même sac et de diaboliser davantage le stade et le voir comme une zone de non-droit.

Concernant ces mesures de lutte contre la violence dans les stades, nous ne pouvons pas trancher, il serait hâtif de s’exprimer et de parler davantage de bonnes ou de mauvaises réponses… Cependant, on peut s’interroger sur la pertinence de cette nouvelle initiative. Reconnaissons que le fait que les pouvoirs publics se penchent sur le phénomène est louable, mais jusqu’ à maintenant, aucune solution concrète à ce réel problèmes de violence n’a été mise en application. D’emblée, les mesures annoncées révèlent encore la confusion qui réside encore et qui trahit toute bonne réflexion sur le phénomène. Les pouvoirs publics sont encore dans la prospection alors que le phénomène ne date pas d’aujourd’hui. 

Tout d’abord, au niveau de la terminologie utilisée dans les textes, nous constatons une prolifération de termes rigides : fermeté, réponse répressive, intransigeance, sécurité et interdiction… et trop peu de terme renvoient à la prévention, à l’accompagnement, à la concertation.  A aucun moment,  le « draft » n’évoque le rôle des supporters eux-mêmes. Il serait intéressant de compiler et d’analyser les différents travaux de recherches qui ont été menés à ce sujet par les experts en matière de violence urbaine et de supporterisme afin d’amorcer un débat en lien direct avec le terrain.

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Notamment, les mesures parlent encore d’associations de supporters alors qu’il ne s’agit pas d’associations au sens propre du terme, juridiquement parlant les « ultras » ne sont pas des associations, ce sont des groupements de supporters qui ne se reconnaissent justement pas dans les conventions sociales.

Au fond, la question n’est-elle pas de savoir si les procédures ne sont pas trop longues et si elles sont efficaces et adaptées au terrain ? Comment vont-elles être appliquées ?

D’ici là, un dialogue constructif est nécessaire avec les groupes de supporters et surtout avec ceux qui les stimulent et cherchent à les manipuler, à la fois du côté des responsables des clubs et du côté de certains responsables et sécuritaires sans scrupule.

Une série de propositions est à préconiser :

-         une concertation très large et de haut niveau au sein des pouvoirs publics afin de couper court avec les pratiques douteuses.

-         Une orientation double : répression et correction bien réfléchie

-         Une stratégie de dialogue et de prévention. 

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Je terminerai en disant que le spectacle footballistique n’est pas imperméable aux maux du corps social dans son ensemble. Il est évidemment souhaitable d’écarter les fauteurs de troubles des stades, à l’aide d’interdictions de stade. Les gestionnaires des stades doivent pour cela avoir les moyens de veiller aux états des virages et des tribunes, pour une meilleure organisation du spectacle. Ceci afin de tirer profit des expériences d’autres pays, qui ont radicalement transformé leurs stades, devenus des lieux de plaisir, de convivialité et de bonne humeur après avoir été des terrains d’affrontements sur fond de problèmes socio-économiques entre supporters issus de familles défavorisées.

 

20 août 2014

De la délinquance juvénile dans la ville…

Les agissements criminels, les violences, le racket… opérés par des jeunes sont autant de symptômes qui révèlent leur situation de survie ou le mal-être qu'ils vivent au quotidien et qui tourmente leur esprit. Mais attention, même si tous les actes de délinquance ne sont pas le fait des «enfants des rues», ils en sont toutefois bien souvent à l'origine. À nous d'analyser ce phénomène de société, inhérent aux grands villes de notre pays. 

Des scènes de violence en ville, on peut en être le témoin chaque jour. Il suffit de marcher le soir à Casablanca pour s’en apercevoir. Par exemple, mercredi dernier, à une heure pas très tardive, vers 22 heures, Youssef rentrait tranquillement chez lui. Il marchait, sac au dos, très lentement, dans une ruelle mal éclairée, au Mâarif, après une longue journée de travail. Musique «rock» dans les oreilles, il avançait, regard au sol. Soudain, un jeune, qui l'avait apparemment suivi de loin, lui barra le chemin. D’autres complices, en surnombre, n'ont eu aucun mal à l'immobiliser et l'ont littéralement tabassé alors qu'il était déjà à terre. Il s’accrochait désespérément à son sac à dos et à son I-Pod. Mais en vain. Ses agresseurs ont pu subtiliser son portable et son portefeuille et prendre la fuite. Un simple fait divers. Une scène ordinaire diraient certains, tandis que d’autres tirent la sonnette d’alarme. Au-delà de l’acte de violence vécu par la victime, ce qui est pour le moins courant, c’est que l’identification de ses auteurs reste un réel mystère.

Jeunes vivant dans la rue ? Ou plutôt en rupture sociale ? Cet acte exprime-t-il un réel besoin de survie par le vol ou relève-t-il d'un «business» local pour avoir un peu d’argent. L’acte de violence lui-même est-il systématiquement associé au racket, ou est-il dû à l’effet de groupe ? Ou à d’autres influences ?Il est malheureusement triste de constater que des faits similaires peuvent avoir lieu quotidiennement dans n’importe quel autre quartier de la ville. Par exemple, à la même heure, mais de l’autre côté du quartier cette fois, du côté du boulevard Abdelkrim Alkhataby. Une bande de jeunes déambulait à la sortie du stade Mohammed V où une rencontre footballistique venait d’avoir lieu. Ils donnaient libre cours à leurs émotions. Ces jeunes brisaient le silence du quartier. Ils criaient, chantaient et rigolaient ensemble. Jusqu’ici tout va bien. Tout cela est effectivement légitime et tolérable. Sauf que quelques minutes plus tard, et à proximité du jardin qui jouxte le boulevard de Franklin Roosevelt, ils sont allés violenter deux passants. Ils les ont surpris et ont volé ce qu’ils avaient sur eux : portables et argent. Force est de constater que cela peut arriver n’importe où et à n’importe quelle heure. La question se pose alors : qui sont ces jeunes ? D’où viennent-ils ? S’agit-il d’une bande criminelle bien organisée ou d’un acte ponctuel et spontané ?Les clichés et les idées reçues amènent souvent à croire que ce sont les enfants des rues qui commettent ces actes. C'est en partie vrai. On ne peut réellement pas le savoir avec précision. Nombre d’entre eux vivent en effet dans la rue.

Enfants abandonnés, orphelins, adolescents fugueurs. Une histoire de misère bien sûr. Mais aussi de rupture du lien familial. Nous avons demandé des explications auprès d’un psychosociologue. Et voici ses réponses.«Les qualifier de criminels c’est adopter une attitude généralisante des cas d’enfants de la rue dans cette catégorie, sans tenir compte des particularités qui distinguent cette population», souligne Abdelkrim Belhaj, psychosociologue et professeur universitaire. Il ajoute que «en outre, si la criminalité caractérise leur manière de faire et leurs pratiques dans l’espace public, c’est pour pouvoir exister et faire acte de lutte pour la survie. Donc, il ne s’agit pas seulement de les prendre pour cible de chasse ou objet d’attaque sous prétexte de mesures de protection de la société, mais il s’agit plutôt de mettre en place des actions de prise en charge et d’accompagnement institutionnels dans une perspective de rééducation et de réintégration».

D’une part, il incombe aux pouvoirs publics de les identifier, de mener cette tâche en associant différentes actions et avec multiples approches, allant du souci sécuritaire au travail social. D’autre part, il faut reconnaître que les passants s’adressent aux enfants des rues avec trop de mépris, de dégoût et d’évitement pour que ces derniers puissent se sentir considérés comme des personnes à part entière, grandir et vivre dignement.On s’accorde sur le fait que les auteurs de ces actes sont le produit de toute une réalité, d’une société marquée par ses dysfonctionnements et ses multiples difficultés. Les conditions socioéconomiques, associées aux facteurs sociaux et psychologiques sont pour beaucoup dans l'explication du phénomène. «Les membres de ces bandes viennent de différents milieux sociaux et souvent de ceux qui sont défavorisés et à problèmes, voire qui sont victimes de certains maux sociaux (échec scolaire, divorce, pauvreté, etc.)», précise Abdelkrim Belhaj.Bien que chaque cas de ces enfants se manifeste individuellement, il n’en demeure pas moins que la tendance veut qu’ils se retrouvent en groupes, dans lesquels ils s’organisent pour satisfaire un besoin social et en même temps de sécurité pour eux. Ils vivent l’exclusion et la marginalité tout en essayant de trouver protection et force dans ces regroupements avec leurs semblables. «C’est dans ce sens, qu’ils s’organisent en bandes, vu que c’est le type et la structure de groupe social dans lequel s’expérimentent les enfants et les adolescents, dès lors qu’elle émerge dans un contexte non conforme aux normes et non conventionnel, mais cela ne veut pas dire nécessairement que cette bande soit criminelle ou composée de bandits», explique le psychosociologue, en ajoutant : «Il reste que dans certains cas, ces groupes connaissent une forme d’organisation structurée et dont les activités s’alimentent dans le cadre de la violence, de l’agressivité et des actes délictueux».

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  • Le monde contemporain est un laboratoire inépuisable de faits à observer, à décrire, à étudier et à analyser. Le métier de sociologue n'est pas l'apanage des chercheurs, et des érudits; "quiconque fait un travail sur la société est un sociologue" . Becker
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